Nous parcourons à scooter un labyrinthe de petits chemins, cherchant des yeux cacaoyers et cabosses dans la végétation environnante. Les gens du coin nous saluent avec enthousiasme depuis le seuil de leur maison. « Cacao ? Cacao ? », répétons-nous comme un disque rayé à chaque personne que nous croisons. Car en vietnamien, le mot « cacao » se traduit par… « cacao ». Et pourtant, au travers des sourires gênés des gens que nous interrogeons, nous comprenons que personne ne nous comprend. Nous sortons alors nos deux jokers : Google Traduction et une photo de cabosse. Les langues se délient, des bras se tendent et pointent vers des directions approximatives que nous suivons. Mais les indications se contredisent d’une personne à l’autre. Au bout d’une heure et demie d’investigation, nous sommes de retour au point de départ, bredouilles et désabusés.
Nous faisons halte dans un petit café sur le bord de la route. Trois quinquagénaires nous invitent à leur table. Nous leur racontons laborieusement nos péripéties à l’aide de Google Traduction. « Vous cherchez une plantation de cacao ? Il y en a une à quelques minutes d’ici. Finissez vos cafés et suivez-nous ! ». Nos sauveurs nous amènent dans une cour ensoleillée recouverte de fèves de cacao. Une femme assise à l’ombre ouvre des cabosses en deux coups secs de machette. C’est une des gérantes de cette petite exploitation familiale. Un enfant sort timidement de la maison et s’installe sur les marches pour jouer avec ses figurines Transformers. Son père nous rejoint peu après et nous fait visiter la plantation. Il explique que les sacs de fèves partiront bientôt en France. Profitant de la présence de toute la famille, nous dégainons notre appareil photo pour immortaliser la scène. Nos hôtes ouvrent de grands yeux incrédules en voyant leurs visages apparaître progressivement sur le papier tout juste sorti du Polaroïd.
L’enfant admire les photos et les serre contre son cœur. Il en oublie même ses Transformers. Un homme à la démarche lente entre dans la cour. C’est son grand-père. Nous remarquons qu’il louche sur les photos. « Vous voulez qu’on vous photographie avec votre fils et votre petit-fils ? ». L’homme esquisse un sourire, sort un peigne miniature de la poche de sa chemise et se recoiffe minutieusement pour être au top sur la photo.
Dans un coin de la cour, un gros boa somnolent observe à travers les barreaux de sa cage l’heureux dénouement de notre enquête gastronomique.